- Détection acoustique

L'utilisation de cornets acoustiques dans la lutte antiaérienne est un fait relativement peu connu. Pourtant, ce moyen de détection assez ancien, puisqu'il fut utilisé pendant la 1ère G.M., avait pour mission principale de guider les faisceaux des projecteurs vers les cibles constituées par les formations aériennes. Les canons (Flak) pouvaient alors tirer sur ces objectifs illuminés.

En fait, cela est moins simple qu'il n'y paraît. La vitesse de déplacement du son est d'environ 333 mètres par seconde, c'est-à-dire que pour un avion situé à 3 km, son bruit arrive presque 10 secondes plus tard. Le cornet pointera donc toujours une direction à l'arrière de la position réelle de l'avion. En suivant l'avion avec le cornet, il est possible de connaître le déplacement angulaire en fonction du temps mais pas la distance, ce qui aurait permis de calculer sa vitesse et d'effectuer la correction. Il fallait donc estimer la vitesse pour calculer cette correction. De plus, les perturbations dues au vent, à la pluie, aux nuages, à la température, rendaient les corrections encore plus difficiles.

Un RRH (Ringtrichter RichtungHörer) en opération. Les deux chassis de la remorque porteuse ont été séparés. (photo copyright Schiffer Publishing)

Comme on peut le voir sur les photographies, un système d'écoute se compose de quatre cornets rectangulaires placés sur une circonférence. L'ensemble est mobile sur un axe vertical pour l'orientation en azimut et sur un axe horizontal pour l'orientation en site. Chaque paire de cornets est reliée par un tuyau souple à deux larges coques en caoutchouc plaquées sur les oreilles de l'opérateur. Lorsque les deux cornets de chaque paire sont dans la direction exacte de l'avion, les ondes sonores sont reçues en phase et l'opérateur a la sensation d'entendre le son "au milieu" (effet stéréophonique).

Naturellement le personnel devait être parfaitement entraîné et pratiquait des exercices réguliers. Les "écouteurs" disposaient en cas de pluie ou de vent, d'un abri en toile qui était maintenu par un arceau métallique que l'on distingue sur la photo ci-dessous. La précision du pointage était estimée à 2° d'angle. Dans le cas où une couverture nuageuse importante rendait les projecteurs inefficaces, les canons antiaériens étaient couplés directement aux stations d'écoute. On imagine dans ce cas là, le peu de précision du tir ! Il était alors pratiqué le tir de barrage, c'est-à-dire que les armes pointaient à l'avant de la direction supposée de passage de la formation et effectuaient leur tir sans bouger et d'une façon continue. Les munitions traçantes aidaient à visualiser la convergence des lignes de tir. Restait à espérer que les avions passent dans ce mur de feu.

Les trois opérateurs d'un RRH. A gauche, recherche azimutale, à droite en site et au centre le servant du correcteur acoustique. (photo copyright Schiffer Publishing)

L'équipage de localisation sonore était constitué de quatre hommes. Deux étaient équipés de casques d'écoute reliés aux cornets par un tuyau acoustique et manœuvraient les commandes de pointage en site et azimut. Un était affecté au calcul de la correction due à la vitesse de propagation des ondes sonores et le dernier commandait l'ensemble. Les données corrigées étaient transmises aux projecteurs de recherche qui pouvaient affiner le pointage lorsque les avions devenaient visibles dans les faisceaux lumineux.

Malgré les inconvénients dus à ce principe de détection, il y avait dans les derniers mois du conflit plus de 5 000 stations d'écoute en opération. Seul un système basé sur les ondes radio (radar) pouvait assurer la maîtrise de la défense antiaérienne.

- Projecteurs

L'utilisation de projecteurs donnait à la défense antiaérienne les moyens de situer avec précision les cibles à atteindre. Les avions volant à une altitude parfois assez élevée, il a fallu construire des appareils de grande puissance.

Le projecteur de recherche aérienne est un appareil qui se compose d'un réflecteur parabolique en verre de diamètre variant suivant les modèles. Les diamètres de 150 cm ont été les plus courants. La source lumineuse est constituée de deux charbons que l'on amène en contact pour amorcer l'arc électrique. Ensuite, ils sont séparés et maintenus à une distance constante, malgré leur usure, par un dispositif mécanique. Un viseur permet d'observer leur écartement et d'ajuster en conséquence le dispositif.

Projecteur de 150 cm. (photo copyright Schiffer Publish

Le projecteur est monté sur deux demi-axes horizontaux pour l'orientation en site et sur un axe central vertical pour l'orientation en azimut.

Un groupe électrogène alimente le projecteur sous un courant continu de 110 V. L'intensité se situe aux environs de 200 A. La chaleur dégagée par l'arc nécessite un dispositif de ventilation efficace.

Projecteur de 200 cm. (photo copyright Schiffer Publishing)

Certains projecteurs étaient couplés à un radar. Deux servants actionnaient les commandes de rotation pour suivre les indications de site et d'azimut données sur les cadrans.

Une batterie antiaérienne (Flak) est composée de 9 projecteurs de 150 cm alimentés chacun par un groupe de 24 kW et couplés à 9 cornets de détection acoustique. Certaines unités ont utilisé jusqu'à 16 projecteurs. 1943 vit l'apparition de projecteurs de 200 cm (photo ci-dessus) qui, asservis à un radar (au lieu des cornets) servaient de guide de lumière aux autres projecteurs. Un groupe électrogène de 60 kW (450 A) et même 120 kW (900 A) était nécessaire à leur fonctionnement.

Un projecteur de 150 cm a une portée de 12 km horizontalement et 15 km verticalement.
Au minimum quatre hommes servaient chaque projecteur et son groupe électrogène associé.

- Radars

Les origines du radar (Radio Detection And Ranging) remontent au début du siècle quand un étudiant allemand s'appuyant sur les découvertes de Hertz, expérimenta sur le Rhin un dispositif permettant par la réflexion d'ondes radio, la détection des bateaux.
Personne n'ayant réalisé la portée de cette invention, elle resta oubliée jusque dans les années 30. La première société à s'intéresser à des applications civiles fut la firme allemande GEMA qui expérimenta la détection d'un navire à 12 km, devant des officiels civils et militaires. Un avion fut même localisé à 700 mètres d'altitude. Malgré leur intérêt, les militaires se sont peu impliqués dans le développeing)ment de cette nouvelle technique.
La firme continua néanmoins ses recherches et présenta un prototype capable de localiser un avion à une cinquantaine de kilomètres. Ces radars appelés Fraya travaillaient sur une fréquence de 125 MHz.
Au début du deuxième conflit mondial, malgré quelques unités opérationnelles, le besoin en système de détection s'est considérablement accru. D'autres firmes électroniques comme AEG, Telefunken et Lorenz, se lancèrent dans la production pour les forces militaires.

Les Allemands ont donc développé deux types de matériel :

- Les radars de surveillance destinés à localiser le plus tôt possible les mouvements aériens pour indiquer leur position aux chasseurs d'interception et prévenir les populations civiles.
- Les radars de guidage de tir destinés à transmettre aux armes antiaériennes (Flak) les coordonnées précises en site, azimut et distance.

Radar de surveillance FuMG 41G Mammut. Portée 300 km. (photo copyright Schiffer Publishing)

Les radars de surveillance :

On demandait à ces radars d'avoir une très grande portée dans le but d'anticiper les attaques aériennes ou même navales. Celle-ci, d'environ 80 km au début du conflit, augmenta avec les progrès liés aux tubes de puissance à très haute fréquence et aux antennes (groupements de dipôles ou de yagis).
Les portées les plus courantes étaient de 200 à 400 km, avec des puissances de 20 à 150 kW. Des systèmes
dits à changement de fréquence ont été développés pour déjouer les leurres largués par les avions (bandelettes d'aluminium dont la longueur était fonction de la fréquence du radar à brouiller).
Dès le début du conflit, les alliés furent préoccupés par cette menace en perdant en décembre 39, trente-quatre appareils abattus par la chasse prévenue par radar.
Malgré tout, cette technique naissante avait beaucoup de contraintes car elle devait être très précise, facilement transportable, alimentées par courant électrique, insensible aux brouillages, faire la différence ami-ennemi, etc. C'était beaucoup à l'époque, surtout en temps de guerre.
Les derniers développements vers 1945 furent les radars trans-horizon d'une portée d'environ 4000 km.

FuMG 65 Würzburg-Riese. Parabole de 7,5 m. (photo copyright Schiffer Publishing)

Les radars de guidage de tir :

Destinés à la défense antiaérienne, ces radars transmettaient aux artilleurs de la Flak la position de la cible en site, azimut et distance d'une façon beaucoup plus précise que les systèmes acoustiques.

Physiquement, ils étaient composés d'un réflecteur parabolique plein ou grillagé de 2 à 3 mètres de diamètre, le plus souvent démontable. Au foyer de cette parabole était située l'antenne proprement dite (le plus souvent un dipôle). Un dispositif IFF (Identification Friend or Foe) de reconnaissance ami-ennemi par réception d'un code émis par l'aéronef était souvent adjoint au radar avec une antenne annexe.
Ils travaillaient sur des fréquences de quelques centaines de mégahertz qui permettaient des portées de 20 à 30 km. Des unités de plus grande puissance avec antenne de 7 ou 8 mètres de diamètre permettaient de localiser des formations aériennes à une soixantaine de kilomètres avec une précision d'une vingtaine de mètres et d'un à deux dixièmes de degrés pour la direction. Un radar de surveillance était parfois utilisé pour dégrossir la recherche.

Suivant les modèles, il fallait une équipe de 4 à 6 personnes pour observer les signaux reçus à l'aide de tubes cathodiques et transmettre les données aux batteries d'artillerie et aux projecteurs.

- Télémétrie

Si atteindre une cible fixe au sol présente déjà des difficultés, cela est encore plus critique lorsqu'elle se déplace dans l'espace.
Le pointage précis d'une arme sur une cible mouvante est très complexe. Il est apparut, dès la 1ère G.M., la nécessité de faire effectuer les calculs de correction par des dispositifs automatiques plus rapides que les moyens humains. Ces systèmes correcteurs étaient essentiellement électromécaniques mais les données de base, c'est-à-dire les angles de site et d'azimut et la distance, étaient déterminées par des moyens optiques, acoustiques ou radioélectriques. Initialement, les systèmes de pointage faisaient partie intégrante des batteries, mais par la suite, il devint nécessaire de les séparer, laissant aux tireurs la seule tâche d'approvisionner les armes et de suivre aveuglément les indications données.
Au moment du tir, il faut diriger l'arme dans la direction qu'aura la cible lorsque la munition l'atteindra. Cette correction est fonction de la vitesse et de la distance de la cible et de la vitesse de la munition. Le projectile suit une trajectoire parabolique dont la forme varie avec l'angle par rapport à l'horizontale (site).
La vitesse de la cible peut être déduite de la vitesse angulaire de déplacement et de la distance. La vitesse de la munition dépend de multiples facteurs comme l'homogénéité et la température de la poudre, l'échauffement du canon, la densité de l'air, la vitesse et la direction du vent, etc.

Télémètre calculateur de tir Kdo.Ger. 36. (Photo copyright Schiffer Publishing)

La distance est mesurée par télémétrie. Un télémètre est un dispositif optique composé de deux lunettes de fort grossissement (x12 x24 et même x32) séparées par une distance pouvant aller jusqu'à 4 mètres. L'axe optique d'une des lunettes est modifiable par un prisme. La rotation de ce prisme permet, par la superposition des images, de connaître un angle du triangle formé par la cible et les deux lunettes. Un simple calcul trigonométrique permet, de déduire la hauteur, connaissant la base. Un tel dispositif est capable de mesurer des distances de 600 à 50 000 mètres. Les télémètres sont en général couplés au calculateur de tir et forment un dispositif pesant près de 500 kg et nécessitant la présence d'une dizaine de personnes (3 pour le télémètre et 7 pour le calculateur).

Personnel nécessaire à la mise en oeuvre d'un Kdo.Ger. 36. (Photo copyright Schiffer Publishing)

Les coordonnées de la cible sont transmises aux tireurs soit par téléphone soit par signaux électriques. Dans ce dernier procédé, le tireur se contente de faire varier la position de l'arme en maintenant un index sur un cadran.